Le jobsharing, c’est une pratique encore (trop) peu répandue en France, qui consiste à partager un poste entre deux salariés, à différents taux de temps partiels. Chez Parents on Board, on y croit depuis longtemps et on vous en parlait déjà dans cet article.
C’est Myriam Loingeville qui nous en a parlé la 1ère fois, car elle a elle-même, au cours de sa carrière, testé cette façon de travailler, puis elle en a ensuite fait son activité principale.
Elle nous raconte ! 👇
Comment elle a découvert le jobsharing
« J’ai découvert le jobsharing à un moment où je me sentais obligée de devoir faire un choix difficile entre ma carrière et ma famille. J’étais Responsable Ressources Humaines à l’ingénierie SNCF, en charge de 700 salariés sur 3 régions. Je sortais d’une période de forte transformation car je venais d’accompagner la réunification des 3 régions et de prendre la tête du service RH multi localisé. Mon poste était passionnant mais, au bout d’un an, je n’avais toujours pas réussi à trouver un rythme de croisière. Je n’avais plus assez de temps de qualité avec ma famille, trop de conflits d’agenda avec mon conjoint et le sentiment de passer à côté de l’essentiel. J’en ai parlé avec mon N+1, qui m’a suggéré de partager mon poste avec un collègue que je pourrais choisir. C’est comme ça que j’ai découvert le jobsharing. Sur le moment, je ne savais pas quoi en penser. Je ne voyais pas comment on pouvait partager la responsabilité d’un poste de manager, cela me semblait irréaliste. Mais en cherchant des informations, j’ai découvert des témoignages et un guide pratique sur le site de l’association suisse Go for Jobsharing. Plus je m’informais, plus j’avais envie d’essayer ! »
De l’idée à la mise en oeuvre
« Il fallait commencer par trouver un coéquipier et obtenir l’autorisation de l’entreprise. Le jobsharing n’existait pas à SNCF, nous en avions juste eu l’intuition. J’ai proposé à plusieurs collègues que je voyais bien dans le poste, avant de constituer un tandem avec Carole Chipot. Ce qui a particulièrement motivé Carole, c’était la possibilité d’enrichir ses compétences et d’intégrer un comité de direction. Carole est ingénieur et, même si elle était expérimentée en management, elle n’avait pas d’expérience en ressources humaines. Ce poste lui permettait de construire un profil de future dirigeante d’entité. Pour moi, c’était aussi intéressant de profiter de sa très bonne connaissance des métiers et de son expertise en excellence opérationnelle, que nous avons appliquée aux RH. La complémentarité des compétences est une vraie force du jobsharing. Avec mon Directeur, nous avons ensuite convaincu notre hiérarchie de nous laisser l’expérimenter, en expliquant qu’il y avait plus de bénéfices à en retirer que de risques. Nous avions préparé notre projet de jobshare, nous avions des réponses à toutes les questions ou objections qui pouvaient se poser. Carole a passé un entretien avec la DRH et nous avons obtenu le feu vert ! »
Concrètement, comment ça marche?
« Nous avions chacune un avenant temps partiel, l’une à 55% et l’autre à 65%. Nous avions construit notre planning annuel en prévoyant une journée en commun par semaine, notre remplacement mutuel pendant la plupart de nos congés et du temps en double lors des pics de charge, comme la campagne annuelle de révision salariale. Nous travaillions du jeudi au jeudi suivant, avec le jeudi en commun. Cela nous permettait de participer toutes les deux au CODIR, de se passer les informations importantes et de travailler ensemble sur des dossiers stratégiques. D’autres formules existent, qui partagent par exemple la semaine en deux, avec des jours fixes. Nous avions également une boîte mail commune sur laquelle tout le monde nous écrivait et nos dossiers partagés dans un sharepoint.
La journée de chevauchement est très importante, c’est ce qui permet une bonne communication entre les deux partenaires. Nous avions aussi le management d’une équipe et deux N-1 avec qui nous avions des points réguliers. Comme nous nous passions l’information de manière fluide, ils n’avaient pas besoin de se répéter et ils pouvaient bénéficier de nos deux points de vue, ce qui permettait de prendre de meilleures décisions. »
Ce que lui a apporté le jobsharing, personnellement et professionnellement
« Dans la vie personnelle, incontestablement un meilleur équilibre et la satisfaction de ne pas avoir eu à choisir entre ma carrière et ma famille. J’ai trouvé une formule qui permet de faire les deux sans culpabiliser ! Le temps gagné permet aussi de se consacrer à d’autres projets. Par exemple, il est possible de se créer un revenu annexe en dehors du jobsharing, en ayant une autre activité ou en faisant un investissement. Dans la vie professionnelle, j’ai gagné une véritable alter ego avec qui c’était un plaisir de travailler. Nous nous soutenions mutuellement, y compris lors d’imprévus comme une maladie, où nous pouvions prendre le relais l’une de l’autre. Nous nous challengions aussi, et il y avait une vraie émulation entre nous : il y a vraiment plus d’idées dans deux têtes que dans une ! »
Travailler à deux, un défi ?
« À partir du moment où la communication entre les deux partenaires est bien rodée, cela fonctionne ! C’est ce qui m’a le plus impressionnée dans ce mode de fonctionnement : la capacité d’adaptation de nos interlocuteurs. Nous avons travaillé 3 ans ensemble avec Carole. Nous avons eu une nouvelle N+1, une grande partie de notre comité de direction et de notre équipe a changé, mais tout le monde s’est adapté à notre tandem sans difficulté. En réalité, ce qui compte, c’est que, en tant que client, vous ayez les réponses à vos questions et le soutien dont vous avez besoin, peu importe que ce soit Myriam ou Carole ce jour-là. La clé du succès, c’est l’alignement du tandem, qui se travaille régulièrement lors du point hebdomadaire. »
Transformer l’essai pour démocratiser le jobsharing
« Après cette expérience, j’ai fait le choix de prendre un congé de disponibilité et de créer ma propre entreprise, Jobtandem, pour populariser cette pratique en France. Nous avions convenu dès le début que notre jobshare durerait 3 ans, car cela correspondait à une durée de poste et aussi à l’entrée de nos enfants au collège. À la fin de cette période, Carole a repris le poste de RRH à temps plein, comme prévu. De mon côté j’ai eu envie de pousser le jobshare plus loin, pour que d’autres puissent en bénéficier. Il se trouve que la DRH du groupe SNCF s’est intéressée à notre initiative et a décidé de la poursuivre avec d’autres tandems pilotes. J’ai alors eu l’idée de créer mon activité de conseil pour accompagner les entreprises pionnières en France. C’est ainsi qu’est née mon entreprise Jobtandem. J’ai aussi rejoint le mouvement Be Family afin de faire avancer les modes d’organisation « parents friendly » dans les entreprises. »
Pour en savoir plus:
Jobtandem, l’entreprise crée par Myriam Loingeville
Go for Jobsharing, l’association suisse
L’association Be Family
Le témoignage de Myriam au micro d’Antoine le Guillou de l’association « Devenir Papa »
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